Acromégalie
ACROMEGALIE
Signes-Diagnostic-Traitement
Décrite par
Pierre Marie comme « une hypertrophie singulière des extrémités céphalique
et des membres », l’acromégalie est une hypersécrétion d’hormone de
croissance (growth hormone [GH]), par un adénome hypophysaire somatotrope dans
plus de 95 % des cas.
·
Affection rare
·
Cause endocrinienne d’HTA secondaire
·
Age moyen est de 40 ans, avec un sex ratio à 1
·
Les causes sont multiples, dominées par celles d’origine hypophysaire
·
Diagnostic souvent tardif (4 à 10 ans) et repose sur l’augmentation de la
GH et de l’IGF-1 plasmatiques
·
Affection grave par ses complications diverses, surtout cardiovasculaires
mettant en jeu le pronostic vital
·
Syndrome dysmorphique
·
SF : sueurs nocturnes, abondantes et malodorantes ; asthénie et parfois un
syndrome dépressif ; paresthésie des mains ; arthralgies
·
Complications : insuffisance cardiaque globale, syndrome d’apnées du
sommeil, syndrome du canal carpien, lithiases urinaires
Syndrome dysmorphique ou dysmorphie
acromégalique
·
Les extrémités (mains, pieds) sont élargies,
en “battoir”,
·
Hypertrophie des éminences thénar et hypothénar
·
Les doigts sont élargis,
épaissis,
boudinés,
·
Epaississement de la peau de
la paume des mains
et de la plante des pieds.
Le patient a
dû, au cours des dernières années, faire élargir bague ou alliance et changer
de pointure.
·
Le visage est caractéristique (tous les patients acromégales se
ressemblent) :
·
Des bosses frontale et occipitale
·
Les pommettes sont saillantes,
·
Une hypertrophie de l’os nasal, donnant un nez élargi,
épaissi,
·
Un épaississement des maxillaires,
·
Une séparation des dents, une tendance au prognathisme avec une
malocclusion des mâchoires.
·
Les lèvres épaisses et les rides sont marquées.
·
La peau, très épaissie au niveau
du front,
peut donner un aspect “cérébriforme”
Parfois des
déformations du squelette (si acromégalie ancienne) :
cyphose dorsale,
sternum projeté en avant,
voire aspect en “polichinelle”.
La comparaison
à des photographies antérieures met en évidence la transformation lente,
insidieuse, sur plusieurs années.
a.
Imagerie
i.
Radiographies du
crâne
·
un épaississement de la voûte crânienne et des protubérances,
·
une hyperostose frontale interne
·
et une hypertrophie des sinus.
ii.
Radiographies des membres
·
une hypertrophie de la houppe des phalangettes,
·
un élargissement de la
base des phalanges,
des corticales diaphysaires sans
liseré périosté,
des interlignes par hypertrophie du
cartilage articulaire
avec parfois des ostéophytes.
iii.
La densité minérale osseuse
·
Augmentée au niveau du col fémoral
·
et normale au niveau du rachis.
b.
Biologie
i.
Tests statiques
·
Dosage de la GH basale
Dosages immuno-radiométriques,
fluoro-métriques ou par chimi-luminescence.
Si la concentration de GH < 0,4
g/l (1,2 mUI/l) et si celle d’IGF-1 est normale, l’acromégalie est éliminée.
Si elle est > 0,4 g/l (1,2 mUI/l)
et/ou si l’IGF-1 est augmentée,
une hyperglycémie provoquée orale
(HGPO) doit être pratiquée.
Si la valeur la plus basse (nadir)
de GH au cours de l’HGPO < 1 g/l (3 mUI/l), l’acromégalie est éliminée.
Si elle reste > 1 g/l (3 mUI/l),
l’acromégalie est confirmée.
·
Dosage de l’IGF-1
La concentration d’IGF-1 augmente de
façon parallèle au logarithme de la concentration de GH.
Appréciée selon des normes établies
en fonction de l’âge (l’IGF-1 diminue avec l’âge).
·
Cycle de GH
Dosage de la GH
toutes les 4 à 8 heures
La
concentration de GH reste élevée à tous les points du cycle, aucun point n’est
inférieur à la limite de détection du dosage.
ii.
Tests dynamiques
·
HGPO avec dosages de GH et d’IGF-1.
·
Tests de stimulation à la TRH et/ou
GnRH, sans intérêt diagnostique.
a.
Eléments de surveillance
·
Cliniques : examen neurologique, cardiovasculaire, ostéo-articulaire,
endocrinien
·
Biologiques : GH et IGF-1 plasmatiques
b.
Modalités évolutives-Pronostic
L’acromégalie est associée à une
surmortalité, en particulier chez les femmes.
La concentration de GH obtenue après
traitement est probablement le meilleur indice prédictif de survie, quelle que
soit la cause du décès, et cela indépendamment du type de complications :
lorsque la GH est inférieure à 2 g/l ou l’IGF-1 normalisé, l’espérance de vie
redevient similaire à celle de la population générale appariée. Le pronostic de
l’acromégalie s’est amélioré ces 20 dernières années, probablement du fait du
traitement plus « agressif » de l’acromégalie mais aussi de la meilleure
prise en charge des comorbidités. Même si l’acromégalie est guérie ou
contrôlée, les patients gardent des séquelles (arthropathie, déformations...).
Ailleurs, l’évolution peut être
émaillée de complications.
a.
Complications neurologiques
Le syndrome du
canal carpien se traduit une compression du nerf médian dans un canal
ostéo-ligamentaire inextensible, situé à la partie proximale de la région
palmaire.
·
Acroparesthésies douloureuses
nocturnes
dans
le territoire du nerf médian
irradiant
vers l’avant-bras voire l’épaule homolatérale
partiellement
soulagées par le secouement des mains ou la position
déclive
·
Amyotrophie de l’éminence thénar
·
Signe de Tinel +++
Phalen
·
Testing de l’opposition du pouce
·
L’échographie du coude visualise l’oedème du nerf médian
et ulnaire (cubital),
parfois à l’origine d’un syndrome
ulnaire.
b.
Complications cardiovasculaires
La première cause de mortalité chez
les acromégales.
i.
HTA
D’autant plus
fréquente que la maladie est plus ancienne, la GH plus élevée et l’âge des
patients supérieur.
ii.
Cardiomyopathie
·
spécifique
·
constante
·
indépendante d’une éventuelle atteinte coronaire, valvulaire ou d’une HTA,
même chez les sujets jeunes (< 30 ans).
·
Début
Asymptomatique,
marquée par une hypertrophie myocardique concentrique.
Possible
dyspnée d’effort.
À ce stade, la fonction systolique reste normale.
Le syndrome hyperkinétique
(augmentation de l’index cardiaque) est en effet constant. Même à ce stade
précoce, des troubles du rythme et/ou de la conduction peuvent être observés.
·
Stade tardif, très rare, un tableau d’insuffisance cardiaque congestive.
À l’échocardiographie apparaît alors une dilatation variable des cavités.
iii.
Valvulopathies
Possibles ; la
prévalence augmente avec l’ancienneté de la maladie et persiste souvent malgré
un traitement efficace de l’acromégalie.
c.
Complications rhumatologiques
i.
Arthropathie acromégalique
périphérique
·
Touche typiquement les grosses articulations : genoux, épaules, poignets et
hanches
arthralgies de
type mécanique mais aussi parfois inflammatoire
surviennent en
moyenne 10 ans après le diagnostic
·
A la radiographie interlignes articulaires élargies
ostéophytes exubérants
ossifications des insertions
tendineuses
ii.
Atteinte axiale
·
Lombalgies de type mécanique le plus souvent
·
Radiographies mettent en évidence la classique spondylose d’Erdheim
coulées ostéophytiques antérieures
et latérales des corps vertébraux
aspect biconcave des vertèbres avec
concavité exagérée du mur vertébral
postérieur
d.
Complications métaboliques
·
Le diabète sucré plus que l’intolérance au glucose.
·
Lithiases urinaires, liées à une hyperparathyroïdie primaire.
e.
Complications respiratoires
i.
Syndrome d’apnées du sommeil
Touche 60 à 80 % des acromégales
avec une prédominance masculine.
des apnées typiquement obstructives
ou mixtes et liées
aux modifications anatomiques
entraînées par la croissance mandibulaire et maxillaire,
à l’épaississement des tissus mous,
en particulier au niveau du palais et de la luette,
et à la macroglossie,
ainsi qu’aux modifications dans
l’angulation des différents segments osseux.
ii.
Altération de la fonction
respiratoire
Fréquente
Due aux
modifications anatomiques
ostéo-cartilagineuses au niveau du thorax
(thorax en tonneau)
et mécaniques de l’élasticité
thoracique
et l’atteinte des muscles
inspiratoires entraînent des troubles de ventilation.
L’augmentation de la capacité
pulmonaire totale est liée à celle de la taille des alvéoles.
Une hypoxémie infraclinique peut
être notée.
La ventilation-perfusion est
normale.
f.
Risque néoplasique
i.
Tumeurs digestives
Des polypes coliques sont trouvés
chez 45 %, le risque de cancer colique est multiplié par deux à trois.
ii.
Tumeurs thyroïdiennes
Un goitre est trouvé chez 25 à 90 %
des acromégales.
Le risque de développer des nodules
augmente avec l’ancienneté de la maladie.
Le goitre multinodulaire peut être
autonome (« toxique ») chez 10 à 20 % des patients et parfois à l’origine d’une
hyperthyroïdie patente.
Les nodules thyroïdiens sont
généralement bénins et le risque de cancer thyroïdien ne semble pas supérieur.
a.
Syndrome de McCune-Albright
une puberté précoce
une dysplasie fibreuse des os
et des taches “café au lait”
b.
NEM 1
Acromégalie
Hyperparathyroïdie
Tumeurs endocrines digestives
c.
Complexe de Carney
Acromégalie
Hyperplasie micronodulaire pigmentée
bilatérale des surrénales (à l’origine d’un hypercorticisme ACTH-dépendant)
Myxomes cutanés ou cardiaques
d.
un gigantisme : acro-gigantisme
Le diagnostic
d’acromégalie, suggéré cliniquement, est confirmé biologiquement.
·
Clinique : syndrome dysmorphique, organomégalie, complications
·
Paraclinique : GH élevée, IGF-1 élevée et GH (nadir) élevée à l’HGPO.
Syndrome de Marfan
syndrome tumoral hypophysaire
autres complications
Polysomnographie
ECG de repos 12 dérivations
Echocardiographie Doppler
Bilan phospho-calcique, fonction
rénale et échographie rénale
Coloscopie
Echographie thyroïdienne
Glycémie à jeun, HbA1c
De moins en moins utilisées
Augmentation du volume de la selle
turcique
D’autres modifications osseuses
Recherche une
compression du chiasma optique
Micro (< 10
mm) ou macro-adénome (> 10 mm)
a.
Signes indirects
asymétrie ou bombement d’une
hémi-hypophyse
bombement global et soulèvement du
diaphragme sellaire
déviation latérale de la tige
pituitaire vers la lésion
b.
Microadénome
Image arrondie
bien
circonscrite
homogène
T1
discrètement hypodense ou iso-dense
T2
hypo, iso ou hyper-dense
Après injection de gadolinium, le
micro-adénome apparaît hypo-dense
c.
Macroadénome
Isodense en T1
Hyper-dense après injection de gadolinium
d.
Expansions tumorales extra-sellaires
Recherche
une insuffisance anté-hypophysaire
une
hyperprolactinémie parfois
a.
Adénome hypophysaire somatotrope
·
Adénomes hypophysaires somatotropes purs (60 %),
soit à cellules riches en grains de
sécrétion, avec immunomarquage diffus,
soit à cellules pauvres en grains de
sécrétion à immunomarquage éparpillé dans certaines cellules.
·
Adénomes hypophysaires somatotropes purs mixtes,
Prolactine
TSH
voire ACTH
b.
Syndrome de McCune-Albright
En rapport avec
une mutation somatique activatrice de la sous-unité alpha de la protéine Gs.
c.
Néoplasie endocrinienne multiple de
type 1 (NEM1)
Liée à une
mutation germinale de la ménine.
d.
Complexe de Carney
En rapport avec
une mutation germinale de la sous-unité régulatrice 1 de la protéine kinase A
(PRKAR1A).
e.
Acromégalies familiales
·
Hypersécrétion de growth hormone releasing hormone (GHRH) eutopique,
d’origine hypothalamique (gangliocytome, hamartome, choristome, gliome, etc.)
ou, plus souvent ectopique,
périphérique (tumeur endocrine pancréatique ou bronchique, de type carcinoïde)
stimulant l’hypophyse normale qu’elle hyperplasie, conduisant à une
hypersécrétion secondaire de GH.
Une concentration plasmatique élevée
de GHRH et la mise en évidence de la tumeur endocrine sécrétant la GHRH
(bronchique ou pancréatique généralement) permettent de faire le diagnostic.
·
Une hypersécrétion de GH a également été observée, soit à partir d’un
adénome hypophysaire ectopique (sinus sphénoïdal, os temporal pétreux, cavité
nasopharyngée), soit, mais c’est exceptionnel, à partir d’une tumeur
périphérique (tumeur pancréatique de type insulaire ou lymphome).
·
Soulager les symptômes,
·
Réduire le volume de la tumeur hypophysaire,
·
Eviter sinon prendre en charge les récidives et les complications,
·
Améliorer la morbidité et la mortalité au long cours de l’acromégalie
Traitement de première intention,
lorsqu’il est possible, constitue le gold standard
L’exérèse, par voie
trans-sphénoïdale le plus souvent, permet une normalisation de GH/IGF-1 dans 40
à 70 % des cas environ.
Les résultats dépendant de la taille de la tumeur
des concentrations de GH
pré-opératoires
et de l’expérience du chirurgien.
L’endoscopie n’a pas amélioré les
résultats de la chirurgie.
Le succès chirurgical est évalué au
3ième mois post-opératoire.
Agonistes dopaminergiques
La cabergoline (Dostinex) 2
mg/semaine
a.
Analogues de la somatostatine
L’octréotide à la dose de 100 à 200
μg, 2 à 3 fois/jr par voie sous-cutanée
Le lanréotide à libération
prolongée,
les 10 à 14 jours par voie IM tous
les 28 jours
par voie sous-cutanée profonde,
dosée à 60, 90 ou 120 mg.
L’octréotide LP, administrée tous
les mois par voie IM.
Les deux analogues ont une
efficacité comparable
La réduction du volume de l’adénome
est d’autant meilleure que les patients sont traités en 1ière intention par SA.
Parfois être utilisé en 1ière
intention, particulièrement en cas de comorbidités sévères exposant à un risque
de complications péri-opératoires.
De très volumineuse et s’étend en
dehors de la selle turcique et qu’il n’est pas possible de la réséquer en
totalité chirurgicalement
Le pasiréotide est un nouvel SA qui
semble plus efficace que l’octréotide
b.
Antagonistes de GH, pegvisomant
Il est introduit
lors d’un échec des analogues de la somatostatine, généralement en
monothérapie.
Il est administré voie sous-cutanée,
à la dose de 10, 15 ou 20 mg, voire plus, par jour, la dose étant adaptée à la
réponse hormonale (normalisation de l’IGF-1).
Traitement de 3ième intention
L’irradiation peut être administrée
en une séance par radiochirurgie
stéréotaxique (RCS) ;
ou de manière fractionnée.
La radiochirurgie stéréotaxique
(gammaknife, accélérateur linéaire) ou la radiothérapie fractionnée (RF)
La radiothérapie s’accompagne
néanmoins d’une insuffisance antéhypophysaire, d’importance variable, dans
50–80 à 100 % des cas après 10 à 15 ans.
Les complications
exceptionnelles
radionécrose
ou neuropathie optique.
Les accidents vasculaires cérébraux.
La stratégie
thérapeutique doit prendre en compte
les avantages
les coûts
et les inconvénients de chaque type
de traitement.
Actuellement,
si le traitement chirurgical n’a pas permis une guérison de l’acromégalie, on
recommande généralement, plutôt qu’une radiothérapie d’emblée, le traitement
médical par les SA (éventuellement précédé d’un essai d’agonistes
dopaminergiques, en particulier si les concentrations d’IGF-I sont modérément
augmentées).
En cas d’échec
des SA, on propose généralement, avant de décider une radiothérapie, un
traitement par pegvisomant.
CONCLUSION
Références
Collèges des enseignants d’Endocrinologie,
diabétologie et maladies métaboliques ; 3ième édition
KB Endocrinologie-Nutrition 2012